TEXTE 7 : Mes cauchemars et tentatives d'analyse

I- JE SUIS dans une sorte de monde emprisonné dans du verre, comme si une vitre protégeait notre petit univers. Je vois la scène comme spectatrice – et je me sais également actrice, à l’intérieur de la boîte. Consciente, je regarde à travers la boîte et vois quelque chose de terrifiant. Le monde est découpé en deux parties, et ces deux parties sont parfaitement semblables. Il est composé d’une multitude de petites marches, de chaque côté. Je comprends par la suite que la dernière marche représente la mort, et que quiconque atteindrait ce dernier niveau ne sortirait pas vivant de cette boîte. Je suis représentée par un petit personnage horizontal à gauche de la boîte ; de l’autre côté, il y a ma meilleure amie. Je ne sais rien d’autre d’elle que sa couleur de cheveux (noir) et également que dans un précédent univers, elle m’a sauvé la vie. De derrière la boîte, j’observe les petits corps horizontaux chuter lentement, et j’espère au plus profond de moi ne pas atteindre le dernier palier. Mon corps tombe, détruit les marches, semble dormir…

Et finalement se stoppe sur l’avant-dernière marche.

Et je regarde mon amie, qui elle est tombée tout en bas. Son corps est bleu, et sa bouche a la forme d’un w, comme un personnage de dessin animé. Je comprends qu’elle est morte et je m’éveille, tremblante.

 

AU FOND, ce rêve ne fait pas peur. Une fois étudié précisément, il n’est pas effrayant ; mais sur le moment, j’ai compris que j’avais perdu quelqu’un de très cher à mes yeux, et je ne pouvais m’empêcher de ressentir de la culpabilité : alors que je me savais ne pas être la cause de sa mort. J’ai fait ce rêve cette nuit, en revenant d’une soirée un peu mouvementée. J’ai pensé aux amies avec lesquelles j’étais, et rien n’indiquât qu’elles eussent souffert ou que quelqu’un leur ait fait du mal. J’attends de recevoir des nouvelles d’elles aujourd’hui.

 

II – IL Y A un homme, que je connais, en compagnie d’un autre, que je ne connais pas, dans un étrange bateau. Le bateau semble être à l’air libre ; il y a en son milieu une sorte d’ovale plein. Le pont est donc circulaire, et l’on ne peut marcher sur ce bateau qu’en tournant en rond.

Ce rêve est scindé en deux parties. Il y a cette partie, sur le bateau, où je semble être une simple spectatrice ; et une autre partie, tout aussi terrifiante, où je suis actrice à part entière.

Le rêve prend d’abord part sur le bateau. Je crois reconnaître l’un des hommes : il ressemble comme deux gouttes d’eau à Tom Cruise. Le plancher de bois du bateau prend feu : et les deux hommes sont pris au piège.

Puis le rêve migre et je me vois, au milieu d’un village que je sais être le mien, mais qui pourtant n’y ressemble pas. Il y a une rue que je vois toujours dans mes cauchemars, mais qui n’existe pas. Elle est près de l’horloge ; et un petit muret la sépare de l'horloge. Un muret que je vois souvent, d’ailleurs. Dans cette partie de mon rêve, je fuis quelque chose. J’atterris dans mon village avec le sentiment de devoir échapper à une menace. Une foule de gens se presse derrière moi : certains sont des zombies aux yeux blancs : ce sont eux que je cherche à fuir.

Alors je me mets à courir, mais mes jambes sont molles et je peux tout au plus marcher à grandes enjambées. Comprenant après plusieurs minutes que cela ne sert à rien, je change de tactique : je me recroqueville dans un coin, près d’une boulangerie qui fait l’angle d’une rue mais qui n’existe pas dans ma réalité, et me fais passer pour morte. S’ils croient m’avoir déjà tuée, ils me laisseront tranquille.

Mais la mère d’une amie arrive et se jette sur moi : Marie-Lou, il faut courir, fais attention. Je lui expose mon plan à mi-voix, mais elle ne le comprend pas. Elle cherche sa fille, Mathilde, mon amie, que je n’ai pas vue. Alors je me relève et je cherche mon amie. Je finis par la débusquer un peu plus loin, je lui prends la main, et nous allons jusque chez moi, où nous pensons pouvoir être en sécurité. Ma maison ne ressemble pas à celle de mon rêve : celle de mon rêve est comme un immeuble, et cette maison-immeuble a tendance à me suivre partout, où que j’aille. Quand je suis avec le père de Louise et Louise, notamment. Dans des rues pleines de boutiques, au milieu des bambous, il y a le studio du père, et ma maison.

Cette partie du rêve s’achève sur notre victoire.

 

Mais l’autre partie est un cauchemar dont je ne sortirai pas vivante. Je n’étais que spectatrice, au commencement. Je vois Tom Cruise rongé par les flammes, retenu par des tentacules sortis du plancher en bois, et ses membres fondent à la vitesse de l’éclair. L’autre homme, en essayant de l’aider, se retrouve lui aussi pris au piège, mais ne meurt pas. Alors, Tom Cruise que l’on croyait mort voit ses membres repousser, et les tentacules le laissent en paix. L’autre homme dit alors : « Génial, tu vas pouvoir m’aider. » et Tom Cruise le tue sans préavis.

 

Et alors que je n’étais jusque là qu’une simple spectatrice, je deviens brusquement actrice, et je vois Tom Cruise me regarder, prêt à me tuer. Je fais le tour du bateau, mais il apparaît plus rapide, et me rattrape. Et au moment où… Ce qui lui servait d’arme se retrouve planté en mon cœur, je m’éveille. Tremblante, terrifiée. Et comme je sais que je ne pourrais pas passer une bonne journée si le rêve se termine de cette façon, parce que je serais effrayée, je tâche de le terminer à ma façon. J’imagine que je suis tombée dans l’eau, et que je me cache sous le bateau. Tom Cruise me voit, mais il ne peut pas m’attraper.

 

Ce qu’il y a de plus inquiétant dans ces rêves, ce sont les perspectives, et les intuitions. Je sais que telle et telle chose sont par exemple ma ville, ma maison. Et pourtant, visuellement, elles ne le sont pas. Ma maison n’est pas un immeuble en verre ; mon village n’est pas aussi grand, et aucune des rues n’aboutit sur l’horloge. Ou plutôt si, elles y aboutissent toutes, mais aucune n’est pourvue d’un muret, et aucune ne vient de son côté droit avec un tel éloignement. Je suis incapable d’analyser cette partie de mon rêve. Je ne la comprends pas. Je sais en revanche que Tom Cruise me fait peur et qu’un mort dans les rêves revient souvent à la vie en étant devenu méchant. Chaque gentil peut devenir méchant. Il faut se méfier de tout le monde ; et en particulier de ceux que l’on croit doux comme des agneaux.

 

 

III – CE REVE est affreux.

J’ai perdu mon arrière-grand-mère il y a quelques mois, et j’en ai été très affectée. La veille de sa mort – que rien ne présageait – ma tante et ma cousine ont fait un rêve dans lequel elle venait leur dire au revoir. Et le matin, elle était morte.

Suite à son décès, j’ai rêvé deux fois d’elle. Le premier rêve était un rêve d’apparence joyeuse. Je pouvais rendre la vie à ma grand-mère si je retrouvais suffisamment de lingots d’or. J’étais avec ma cousine, et nous cherchions dans diverses maisons – dont une se trouve être l’atelier de travail de ma mère – et finîmes par en trouver un certain nombre. Je voyais ma grand-mère, dans un rêve emboîté dans ce rêve, couronnée comme la reine d’Angleterre, aussi belle et vivante que lorsqu’elle était encore de ce monde, avec un rouge à lèvres très vif, qui lui allait à merveille. Au final, elle me prit les mains et me dit : Ne t’en fais pas, Marie-Lou, je suis heureuse d’être morte.

 

Ce n’est pas ce rêve qui était affreux, donc. J’en ai fait un, très récemment, qui ne pouvait être autre chose qu’un cauchemar. Ma grand-mère courait - du haut de ses quatre-vingt-dix ans ! – et je cherchais à la rattraper. Nous passions dans des rues étranges, faîtes de morceaux de réalité. Une belle église, un muret, encore une fois, et une pelouse très verte. Et puis des petits chemins que je vois dans tous mes rêves, enfoncés dans la forêt, qui se séparent en carrefours. Je n’arrivais pas à rattraper ma mamie. Elle courait si vite… Et quand j’avais besoin de faire une pause, elle s’arrêtait aussi. Je la voyais me regarder, attendant que je reprenne mon souffle pour se remettre à courir. Et puis j’abandonnais. C’était impossible. Ma grand-mère est morte, et je dois l’accepter.

 

Je me suis réveillée en pleurant et en pensant qu’elle ne m’a pas oubliée, puisqu’elle continue de m’envoyer ce que je vois, moi, comme des signes. Voilà pourquoi je crois en Dieu. Tous ces phénomènes sont liés.